Guyane et Martinique, deux nouvelles collectivités pour 2014

Le 12 mai, le Sénat a débattu en première lecture de l’évolution institutionnelle de la Guyane et de la Martinique, pour faire suite au souhait des électeurs exprimé les 10 et 24 janvier2010.

Par la même occasion, le Sénat a modifié les règles de l’habilitation législative. Celle-ci sera valable non plus pour deux ans seulement mais pour la durée du mandat des requérants,prolongeable 2 ans après le renouvellement de la collectivité qui en aura fait la demande. Par ailleurs, l’habilitation dans le domaine du règlement ne fera plus l’objet d’uneautorisation préalable du Parlement mais du Gouvernement.  

Sur le plan de l’évolution des institutions, le choix retenu est différent pour la Guyane et pour la Martinique. En Guyane, le mode de fonctionnement de l’assemblée unique est calqué sur celui dela région, ou si l’on veut des collectivités de St Martin et St Barthélemy. Pour la Martinique, le fonctionnement se base sur une séparation de l’Assemblée (parlement) et du Conseil Exécutif(gouvernement), comme sur le modèle corse.

Sur le plan électoral, les assemblées seront chacune composées de 51 membres, élus par scrutin de liste avec sections, à la propotionnelle à deux tours avec une prime majoritaire de 20%.

Ces nouvelles institutions sont prévues pour une première élection au plus tard en mars 2014, avec retour au droit commun en 2020.

Ces faits étant rappelés, il y a plusieurs points qui méritent à mes yeux commentaires :

1 – le dualisme présidentiel.
En Martinique, le dualisme présidentiel, s’il est bon pour éviter tout omniprésidence, risque néanmoins d’être déséquilibré. Lequel du président de l’Assemblée ou celui duConseil Exécutif sera la véritable locomotive ?
Espérons que ce dualisme, couplé avec la possibilité d’une motion de censure, ne conduira pas à une situation politique à la Polynésienne.
L’avenir nous le dira mais ce sera un aspect important à suivre sur le plan du fonctionnement des institutions.

2 – la question des habilitations.
S’il est intéressant pour une collectivité de pouvoir appliquer des lois spécifiques par habilitation temporaire, il faut observer que cette possibilité a pour le moment été très peuutilisée.
Sur le principe, il revient au parlement national de fixer la loi, quand bien même l’Outre-Mer a ses propres spécificités. Oui il faut reconnaitre les spécificités ultramarines, mais le meilleurmoyen d’être reconnu au sein de la nation reste bien de défendre ces spécificités au sein des instances nationales.
D’autant plus qu’aujourd’hui les parlementaires disposent de la capacité de proposer des propositions de loi, et comme toujours d’amender les textes de loi nationaux. Il eut été plus sage delaisser au parlement national et aux parlementaires ultramarins le soin de légiférer sur des textes propres à l’Outre-Mer, ou d’amender les textes en débat au parlement. Or force est deconstater que ces parlementaires ne sont pas aussi présents que ce qu’on attend de leur part, ce qui expliquerait peut-être, à défaut de le justifier, leur envie dedélocaliser l’adoption de la loi.

Autrement dit, je suis favorable à une habilitation ponctuelle, telle qu’actuellement, pour mettre en place une législation locale fruit d’une élaboration presque achevée,mais beaucoup moins pour une habilitation longue durée, sans contrôle réel du parlement.

3 – la mise en oeuvre des nouvelles institutions
Cette réforme, on le voit à travers le contenu du débat en séance, ne répond que partiellement aux problèmes des populations concernées : aucune compétence en plus ou en moins pour lanouvelle collectivité que pour les régions et départements réunis, la question de l’accompagnement financier de l’Etat reste entière, certains élus craignent que cela ne soit le début d’undésengagement de l’Etat,… et tout le monde se concentre sur les aspects institutionnels et surtout électoraux. 
Mais est-ce que cette nouvelle organisation répondra mieux ou non aux enjeux des territoires ? Quels sont-ils d’ailleurs ? Quels projets, quelles visions de leurs territoires les élusvont-ils porter ? Pour l’instant, nul ne le sait.
J’espère que nous n’aurons pas une vision trop étroite de cette évolution, une évolution purement institutionnelle. Ce nouveau cadre institutionnel doit être vécu comme unmoyen au service d’un projet de société et non pas comme une fin. Nous courrons sinon le risque de décevoir nos concitoyens, à qui cette évolution a été présentée comme la panacée, lasolution à tous les problèmes mis en avant début 2009 et qui sont toujours présents aujourd’hui.

Voir le projet de loi adopté par le Sénat en 1ère lecture