Lettre à M.François Baroin concernant l’évolution statutaire des Iles du Nord

Le projet de loi relatif à l’évolution statutaire des Iles du Nord devrait être présenté au Conseil des Ministres au printemps 2006, pour être débattu au Parlement avant l’été. Le projet que le Conseil d’Etat est en train d’examiner, et sur lequel les municipalités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy se sont prononcées ne mentionne pas de représentation spécifique au niveau national, contrairement aux versions antérieures du projet de loi organique.

Cap21, pour rappeler son attachement à la nécessité que chaque île dispose d’une double représentation parlementaire et que la volonté des citoyens soit la mieux représentée possible, a adressé une lettre en ce sens au Ministre de l’Outre-Mer, courrier que nous vous mentionnons ci-dessous :

Monsieur le Ministre,

Vous présenterez très prochainement devant le Conseil des Ministres le projet de loi portant évolution statutaire des Iles du Nord.

Cap21, parti politique créé et présidé par Corinne LEPAGE, ancienne ministre de l’environnement, est très favorable à la réalisation de cette évolution statutaire de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, voulue par leurs habitants et porteuse de davantage de souplesse dans la mise en oeuvre des spécificités locales. Nous sommes également très attachés à notre maintien dans la République Française, ce qui va de soi, mais aussi au statut de région ultra-périphérique de l’Union Européenne.

Cependant, nous souhaitions attirer votre attention, avant que vous ne déposiez votre projet de loi, sur deux points qui nous semblent indispensables au bon fonctionnement de la démocratie dans nos îles :

– Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent être chacune représentées à l’Assemblée Nationale et au Sénat.

Le fait que chacune des îles soit représentée à l’Assemblée Nationale est crucial pour que les habitants des Iles du Nord puissent y relayer leurs points de vue et, réciproquement, mieux comprendre la manière dont seront votées les futures lois pour mieux les appliquer au niveau local.

Alors que les précédentes versions du projet d’évolution statutaire mentionnaient une telle représentation au niveau national, celle-ci a disparu de la dernière version, présentée pour avis aux municipalités des deux îles.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la promesse d’un amendement parlementaire en cours de débat, qui aurait de toute façon moins de poids qu’une inscription dans le projet de loi organique ; nous ne pouvons pas non plus prendre le risque que le projet de loi soit déféré devant le Conseil Constitutionnel pour le seul motif que les futures collectivités ne seraient pas représentées au Sénat.

Aussi, la mention explicite dans le projet de loi de la représentation parlementaire de chacune des îles nous semble une condition nécessaire pour limiter les risques d’échec du processus d’évolution statutaire en cours. Nous ne faisons par cette demande que réaffirmer les souhaits exprimés par les municipalités concernées, que ce soit clairement pour Saint-Martin ou de manière plus discrète pour Saint-Barthélemy.

– la diversité du corps électoral au sein des futures Collectivités d’Outre-Mer doit être mieux représentée.

Le projet de loi actuel attribue à chacune des collectivités des prérogatives dans des domaines élargis, qui recouvrent voire même dépassent les compétences attribués aux départements et aux régions : fiscalité, environnement, énergie, transports, travail,…

Dans le même temps, les modalités de la représentation citoyenne sont identiques à celle d’une commune, avec une prime majoritaire égale à la moitié des sièges. Certes, cela assurera une « stabilité de décision » des choix collectifs.

Mais ce n’est pas seulement de stabilité dont les conseils des futures collectivités auront besoin, mais surtout d’ouverture, de dialogue et de décisions collégiales, pour aborder au mieux les sujets complexes dont elles auront la responsabillité.

Il sera crucial pour l’avenir des Iles du Nord que toutes les opinions puissent être encouragées lors des élections et ensuite représentées au sein des futurs conseils de l’île, pour que chaque collectivité soit gouvernée de manière la plus démocratique et efficace possible.

En métropole, si une commune est représentée par un conseil municipal majoritaire, il reste toujours des espaces de dialogue et d’expression d’opinions divergentes au sein des groupements intercommunaux, des conseils généraux et départementaux. Ici, rien de tout cela ne sera possible.

On court alors le risque d’une sous-représentation démocratique et d’absence de pluralité des opinions, qui pourrait tout simplement se traduire par la candidature d’une liste unique lors des prochaines élections. Ce risque, vous n’êtes pas sans le méconnaître, mais nous tenions à vous en reparler officiellement.

Dans ce contexte, nous souhaiterions que les élections locales soit effectuées à la proportionnelle, comme pour les élections départementales ou régionales, ou dans le pire des cas avec une prime majoritaire égale à un maximum de 20% des sièges. Cela nous semble la garantie qu’une véritable vie démocratique soit assurée sur le long terme, indépendamment de la configuration politique actuelle.

J’espère que notre point de vue attirera toute votre attention, et je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations distinguées,

Benoît CHAUVIN
Responsable Antilles de CAP21