Evolution statutaire de l’Outre-Mer : Cap21 saisit les parlementaires

Cap21 est très favorable à l’évolution statutaire en cours dans les Iles du Nord, car cette évolution est le gage d’une certaine autonomie de ces Iles-phares de la France dans les Caraïbes, et surtout l’occasion rêvée d’y appliquer une politique environnementale adaptée aux conditions locales et efficace.

Cependant, toute l’équipe Outre-Mer de Cap21 reste très attentive au contenu du débat sur le projet de loi organique qui sera abordé les 30 et 31 octobre prochains au Sénat, notamment de façon à ce que l’environnement soit explicitement pris en compte dans les organes consultatifs de la collectivité et que la répresentation démocratique soit respectée.

C’est pourquoi nous avons adressé une lettre aux sénateurs concernés par le projet de loi, lettre que nous reproduisons ci-dessous, comme une lettre ouverte :

Gustavia, le 4 octobre 2006,

Monsieur le Sénateur,

Vous allez très prochainement débattre des projets de loi n°359 et 360 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’Outre-Mer, et notamment sur l’évolution statutaire des Iles du Nord.

Cap21, parti politique créé et présidé par Corinne LEPAGE, ancienne ministre de l’environnement, est très favorable à la réalisation de cette évolution statutaire de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, évolution qui a été voulue par leurs habitants et qui permettra de mettre en place avec plus de souplesse un développement durable et tenant compte au plus près des spécificités locales. Nous sommes également très attachés au maintien de ces deux îles dans la République Française, ce qui va de soi, mais aussi à leur statut de région ultra-périphérique de l’Union Européenne.

Cependant, nous souhaitons attirer votre attention, avant que vous ne débattiez de ces projets de loi, sur deux points qui nous semblent indispensables au bon fonctionnement de la démocratie dans nos îles et sur un troisième point, plus formel, mais qui a pour but de bien marquer le rôle que devra jouer la préservation de l’environnement dans nos îles :

 – Saint-Martin et Saint-Barthélemy devraient être chacune représentées à l’Assemblée Nationale dès 2007 et au Sénat dès 2008.

Le fait que chacune des îles soit représentée à l’Assemblée Nationale est crucial pour que les habitants des Iles du Nord puissent y relayer leurs points de vue et, réciproquement, mieux comprendre la manière dont seront votées les futures lois pour mieux les appliquer au niveau local.

Alors que les précédentes versions du projet d’évolution statutaire mentionnaient une telle représentation au niveau national, celle-ci a disparu de la dernière version du projet de loi qui vous est proposée. Le projet sur lequel vous allez débattre mentionne en effet uniquement que « Saint-Barthélemy est représentée au Parlement et au Conseil économique et social dans les conditions définies par les lois organiques ».

La représentation des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sera très probablement effective à l’occasion du renouvellement des sénateurs de 2008, ne serait-ce que pour ne pas prendre le risque que le projet de loi soit déféré devant le Conseil Constitutionnel pour le seul motif que les futures collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ne seraient pas représentées au Sénat.

Mais pour la représentation à l’Assemblée Nationale, nous aimerions que le projet de loi mentionne explicitement que les deux collectivités éliront chacune leur député à l’occasion des législatives de 2007. En effet, pour que la mise en œuvre de ces nouvelles collectivités soit une réussite, il est indispensable que le représentant de chacune des collectivités devant l’assemblée nationale soit issu de chacune des îles. Or, conserver les Iles du Nord dans la circonscription de Basse-Terre impliquera de manière presque certaine que ce sera un député de Guadeloupe continentale qui sera élu, et sera donc moins au fait des réalités locales des Iles du Nord et de leurs spécificités. Ce serait très dommage pour les Iles du Nord dans la mesure où ce sera pendant la prochaine législature que se prendront les principales orientations de ces îles.

Nous ne faisons d’ailleurs par cette demande que réaffirmer les souhaits exprimés par les municipalités concernées lors de l’avis sur le projet de loi qu’elles ont donné en décembre 2005, que ce soit explicitement pour Saint-Martin ou de manière plus discrète pour Saint-Barthélemy.

Enfin, une prise en compte explicite de la représentation de ces deux îles témoignerait de l’intérêt des Français, via votre représentation parlementaire, pour les Iles du Nord et leurs habitants.

Le mode de scrutin pour l’élection des élus des deux futures collectivités, devrait offrir plus de proportionnelle.

Le projet de loi actuel attribue à chacune des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy des prérogatives dans des domaines élargis (Art. L.O. 6214-3.–I)., qui recouvrent voire même dépassent les compétences attribuées aujourd’hui aux départements et aux régions : fiscalité, urbanisme, environnement, énergie, transports, accès au travail des étrangers,…

Dans le même temps, les modalités de la représentation citoyenne restent calquées sur celles d’une commune, avec une prime majoritaire égale à un peu plus du tiers des sièges (7 sur 19, soit 36%). Dans un tel contexte, une liste élue à 50,01% des voix remporterait 14 sièges sur 19, contre 5 pour les autres listes.

Certes, une telle prime majoritaire permettra d’assurer une « stabilité de décision » des choix faits par les représentants de la collectivité. Mais ce n’est pas seulement de stabilité dont les conseils des futures collectivités auront besoin, ce sera surtout d’ouverture, de dialogue et de décisions collégiales, pour aborder au mieux les sujets complexes dont elles auront la responsabilité.

Il sera en effet de la plus haute importance pour l’avenir des Iles du Nord que toutes les opinions puissent être encouragées lors des élections et ensuite représentées au sein des futurs conseils de l’île, pour que chaque collectivité soit gouvernée de manière la plus démocratique et efficace possible.

Par ailleurs, dans les communes de Métropole, le plus souvent représentées par des conseils municipaux majoritaires et stables, il existe toujours des espaces de dialogue et de responsabilité au sein des groupements intercommunaux, des conseils généraux et départementaux. Ici, rien de tout cela ne sera possible.

Avec le système tel qu’il est proposé dans le projet de loi organique, on court le risque d’une sous-représentation démocratique et d’absence de pluralité des opinions, qui pourraient tout simplement se traduire par la candidature d’une liste unique lors des prochaines élections. Ce n’est pas, il me semble, le but recherché par une élection, à quelque niveau que ce soit. Ce n’est pas non plus l’intérêt d’une liste quelconque d’être seule en piste, car cela lui ôterait une grande part de sa légitimité. C’est une éventualité que vous n’êtes pas sans méconnaître, mais nous tenions à vous la mentionner de manière officielle.

Dans ce contexte, nous souhaiterions que les élections locales soit effectuées à la proportionnelle pure, comme pour les élections régionales, ou bien, dans le pire des cas avec une prime majoritaire égale à un maximum de 15% des sièges. Cela nous semble la garantie qu’une véritable vie démocratique soit structurellement assurée sur le long terme, indépendamment de la configuration politique actuelle.

Enfin, je souhaitais attirer votre attention sur un dernier point, moins important que les deux précédents mais non moins symbolique :

– renommer le « Conseil Economique Social et Culturel » en « Conseil Environnemental Social Economique et Culturel » (CESEC).

Le projet de loi prévoit (Art. 6223) que le Conseil Général est assisté à titre consultatif d’un Conseil Economique Social et Culturel.

Eu égard à l’importance croissante des questions environnementales, auxquelles notre parti politique est très attaché, et au fait que la nouvelle collectivité héritera des compétences en matière d’environnement, d’urbanisme, de transport et de gestion domaniale, toutes compétences liées à l’environnement, nous souhaiterions que ce thème soit pris en compte explicitement dans la dénomination du futur Conseil Economique Social et Culturel.

Ce serait de plus marquer la volonté du législateur d’orienter ces collectivités vers le développement durable et, pourquoi pas, d’en faire des exemples pour les autres collectivités françaises.

J’espère que notre point de vue attirera toute votre attention, et je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de mes salutations distinguées,

Benoît CHAUVIN
Responsable Antilles de CAP21