Règlement intérieur : des pouvoirs très concentrés

Voici l’argumentaire que j’ai développé lors du débat sur le réglement intérieur lors de la réunion du 25 septembre 2007. Maintenant que ce RI est adopté, j’espère tout simplement que mes craintes se révèleront à l’usage infondées.

Le but du Règlement Intérieur, selon moi, est de faire en sorte que tout le monde participe, du président au simple conseiller, de la majorité aux oppositions. Nous avons été élus pour cela, mandatés par nos concitoyens pour les représenter, pour gérer au mieux la collectivité. Nous sommes même indemnisés pour cela.

Avant de regarder le réglement intérieur dans le détail, j’aimerais aborder trois points qui font qu’il ne correspond pas à mes attentes.

1 / la nécessité de mieux séparer les pouvoirs.

Je trouve qu’une part trop importante de responsabilités est laissée au conseil exécutif, voire davantage lorsqu’on aura adopté le point 4 de l’ordre du jour.

La COM recoupe désormais les compétences de la commune, du département, de la région et de l’Etat.
Dans une commune, le pouvoir exécutif appartient au Maire, comme dans la COM.Celui délègue à ses adjoints, mais toutes les décisions sont prises en Conseil Municipal, c’est-à-dire par l’assemblée délibérante. Dans un département ou une région, il y a aussi un fonctionnement par commission permanente pour décider des affaires courantes. Mais cette dernière est beaucoup plus large que le regroupement du président et des vice-président. Elle va jusqu’à regrouper la moitié des élus, et dans tous les cas l’opposition y est toujours représentée, ce qui ne sera pas le cas ici.
Dans la COM, on concentre donc le pouvoir de décision législatif sur une minorité des élus (7), qui sont par ailleurs les mêmes qui doivent faire appliquer les décisions. Autant mettre les 12 autres au chômage technique !

Cette situation fait que nous sommes très loin des conditions de séparation entre l’exécutif et le législatif, décrite par Montesquieu comme étant une condition nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.

Les règles générales votées dans la loi organique ne permettent guère un bon fonctionnement démocratique. Je crains fort qu’en plus les personnes chargées de la défendre, du moins de l’exercer ne soient pas une garantie de débat approfondi. Déjà, l’an dernier, mr le Maire disait que dans la COM il faudra s’investir davantage. Je vois qu’à de rares éléments près, qu’on appelle « la relève », l’équipe est la même. A moins d’un profond changement, je vois mal comment l’assemblée ici présente ne tournerait pas à la simple chambre d’enregistrement.

Autrement dit, je crains que le Conseil Territorial n’en vienne à se départir du peu de pouvoirs qui lui reste, d’autant plus que le droit à l’information et le droit d’expression des opinions non majoritaires ne sont pas respectés.

2 / le droit à l’information est quasi inexistant

Les réunions du conseil exécutif, celles des commissions ne seront pas publiques.
Sauf si on le précise explicitement dans le règlement, les membres qui n’en font pas partie ne pourront pas non plus assister en observateur à ces même réunions.
Autrement dit, en dehors de la commission dont il fait partie, un conseiller territorial n’en sait pas plus qu’un citoyen lambda. Alors qu’il a été élu pour représenter la population.

Certes un conseiller territorial peut demander tout document relatif à une délibération.
En clair, il peut accéder à toute l’information qu’il souhaite sur ce sujet, mais uniquement douze jours avant le débat. C’est bien peu pour des gros dossiers comme le code des contributions, le budget, etc… sans compter la célérité à laquelle la collectivité lui fournira les informations.
Et en ce qui concerne les compétences déléguées au Conseil Exécutif ou au président, aura-t-on le droit d’accéder aux dossiers ?

3 / le droit d’expression est lui aussi plus que réduit

Le droit d’expression sera réduit pour les conseillers autres que ceux du conseil exécutif. En effet, si de nombreuses décisions sont déléguées sans contrôle au niveau du Conseil exécutif, que restera-t-il à délibérer en conseil territorial ? Comment dans ces conditions voulez-vous former une relève pour demain, si ceux qui sont programmés pour cela ne peuvent s’exprimer plus d’une fois par trimestre et sur un nombre réduit de sujets ? Comment voulez-vous que la population identifie ses élus et leur donne du crédit si on ne les voit presque jamais prendre la parole ?
Limiter les compétences du conseil territorial, c’est restreindre la participation des nouveaux élus, des 12 élus « de base », c’est tout faire pour mettre en péril la classe politique locale de demain.

Quant au droit d’expression des courants minoritaires, devant l’impossibilité concrète de me constituer en groupe d’opposition, je vois mal aujourd’hui comment il sera possible de faire entendre une autre approche des dossiers que celle présentée par la majorité.
C’est dommage car c’est faire peu de cas du débat démocratique, qui enrichit tout le monde, la majorité comme les autres mouvements.
C’est dommage car je ne suis pas toujours pas d’accord avec les choix de la majorité. Mais les fois où vous aurez besoin d’un consensus pour approuver des projets importants, comme ce fut le cas avec l’opposition de ces six dernières années, vous ne pourrez pas vous prévaloir de mon soutien, puisque je ne pourrais pas l’exprimer publiquement.
C’est aussi prendre de grands risques sur l’avenir. Imaginez que dans 5, 10 ou 15 ans, vous ne soyiez plus majoritaire. Ce ne sera alors peut-être pas moi que vous aurez en face. Pas une liste consensuelle et motivée par l’intérêt général comme celle d’Ensemble pour Saint Barthélemy.
Comment vivrez-vous alors le fait de ne pas pouvoir vous constituer en groupe politique ? comment expliquerez-vous à vos électeurs et aux Saint-Barth que les règles que vous aviez fixées trop strictement pour barrer la route à Chauvin se sont maintenant retournées contre vous ?

Dites-vous bien aussi que s’il est quasi impossible aux opinions divergentes de s’exprimer avec toute l’information nécessaire dans le cadre des pouvoirs légaux mis en place, alors le débat se déplacera mécaniquement en dehors de cette salle. Ce n’est pas ce que je souhaite.

Voilà pourquoi je trouve que globalement le Règlement Intérieur, au lieu d’organiser harmonieusement les débats et la répartition des compétences entre le conseil territorial et le conseil exécutif, ne fait que concentrer les pouvoirs entre les mains de quelques-uns, quels qu’ils soient. Je suis convaincu que si l’on veut que notre nouveau statut de COM perdure et soit une réussite, il faut laisser dans son fonctionnement une place plus importante au débat démocratique.