Plan Fillon et suppression de l’abattement d’IS en Outre-Mer : le gouvernement reconnait tardivement ses erreurs !

Le Plan de mesures fiscales de François Fillon prévoit de supprimer l’abattement de 30% sur l’IS payé par les entreprises en Outre-Mer. Cette mesure devrait rapporter 100 millions d’euros environ.

Cap21 n’est pas opposé à cette mesure, sans effet notable sur l’économie, et qui pourrait même se traduire par une légère amélioration économique et sociale. Cette position, à contre-courant des commentaires les plus répandus sur ce sujet, mérite néanmoins une courte explication.

L’impôt sur les sociétés est un impôt qui s’applique sur les bénéfices, donc uniquement sur le bas du bilan. Il ne modifie en rien la capacité d’investissement d’une entreprise, ni l’emploi, qui sont des décisions qui sont prises en amont. Au contraire même, pour maximiser son profit à court terme, une entreprise cherchera généralement à compresser les coûts salariaux, limiter ses charges d’exploitation, limiter les investissements, etc… Diminuer le taux d’IS incite donc l’entrepreneur à maximiser encore plus son profit de court terme, puisqu’il en donne une moindre part à l’Etat.

Le seul intérêt, indirect, d’un IS faible, est d’aider les entreprises à améliorer leurs ratios financiers et leurs capacités d’investissement pour celles qui veulent investir. Mais encore faut-il qu’elles affectent leurs bénéfices aux fonds propres plutôt que de les redistribuer. Pour atteindre cet objectif, le plus efficace est de créer un taux d’IS différent selon que les bénéfices sont affectés aux fonds propres ou distribués.

Par ailleurs, les petites et moyennes entreprises, celles qui sont sur des secteurs en forte croissance ou sur des métiers d’avenir, le plus souvent ne génèrent pas ou peu de bénéfice. Elles ne bénéficient donc guère de l’avantage de l’abattement d’IS. Au contraire des entreprises nécessitant peu ou plus d’investissements, de plus grande taille, ou sur des secteurs arrivés à maturité, comme par exemple le secteur de la grande distribution, sont celles qui bénéficient le plus de cet abattement.

Il est donc plus intéressant, si l’Etat a l’intention d’aider au développement d’une industrie endogène, par exemple dans l’agro-alimentaire ou les énergies renouvelables, qu’il consacre ses moyens fiscaux à des aides à l’investissement (directement ou via défiscalisation), à l’emploi (comme les abattements de charges existants) ou à apporter des garanties financières aux entreprises pour pouvoir emprunter auprès des banques.
Globalement, cette mesure du plan Fillon ne devrait pas changer grand chose aux économies ultramarines.

C’est exactement la même analyse que cap21 avait menée lors de l’adoption de la Lodeom et des mesures de zones franches d’activité, en disant que les exonérations d’IS adoptées par la Lodeom n’auraient aucun impact et se traduiraient surtout par une perte nette d’argent pour l’Etat. Nos réticences se sont avérées fondées, à ceci près que la mesure n’a pas dû coûter cher à l’Etat, vu l’état de délabrement des économies en Outre-Mer depuis l’adoption de la loi.
Politiquement, avec la suppression de l’abattement sur l’IS en Outre-Mer, le gouvernement montre qu’il est capable de revenir, et bien plus, sur une mesure qu’il a présentée comme une mesure phare du quinquennat et comme une réponse à la crise sociale du printemps 2009 : les zones franches globales d’activités pour l’Outre-Mer. Il montre aussi qu’il fait peu de cas de la stabilité affichée par la loi Girardin, qui avait fixé l’horizon de ses mesures à 2017.

Avec cette mesure du plan Fillon, l’Outre-Mer apporte sa contribution à l’effort national de maîtrise des dépenses publiques, ce qui est normal. Il ne faut pas pour autant oublier que l’effort de la nation en faveur de l’Outre-Mer demande à être revu à la hausse, pour répondre aux besoins criants en matière de justice, de santé, de logement social, de sécurité et d’éducation, tous domaines dans lesquels l’Etat a compétence et responsabilité.