Passage de RUP en PTOM : où en est-on ?

Le 18 juillet le Président de la République adressait au conseil européen un mémorandum pour soutenir la demande de passage de Saint-Barthélemy en PTOM (lire le memorandum en pdf).

L’un des arguments mis en avant dans ce memorandum est que la population a indiqué vouloir cette évolution du statut européen lors de son vote en juillet 2007. M. le préfet Jacques Simonnet lors de son allocution du 24 août 2010 a lui aussi rappelé cet argument. Or c’est une fausse idée, et il faut remettre les choses dans leur contexte.

Les élections de 2007 ont porté essentiellement sur les choix de politique générale des différents candidats et non pas sur ce point de l’évolution statutaire, qui n’a été évoqué qu’à la marge, sans en expliquer les tenants et les aboutissants. C’est donc un raccourci plus que rapide de dire qu’en 2007 la population s’est exprimée pour une sortie de l’Europe. En 2007, la population s’est exprimée pour choisir l’équipe qu’elle voulait élire pour administrer la collectivité.

La population ne s’est d’ailleurs jamais exprimée non plus sous une autre forme. Une réunion publique a certes été organisée par le CAGI, venu expliquer dans les grandes lignes les conséquences de ce changement institutionnel, mais c’est tout. Aucune réunion entre les élus eux-même n’a été organisée, à aucun moment, pour expliquer entre nous les motivations et les conséquences de ce changement, à fortiori pour en débattre en profondeur.

Le seul débat qui ait eu lieu sur ce sujet l’a été en conseil territorial, le jour même où le conseil territorial a voté (à une abstention près et un vote contre – le mien) la demande de changement statutaire, en se basant sur un argumentaire de quelques pages seulement, très orienté en faveur de la sortie du statut de RUP. Je rappelle en passant que la demande officielle que le conseil territorial a votée n’était pas inscrite à l’ordre du jour, ce qui aurait dû entrainer sa nullité lors du passage en contrôle de légalité.(voir billet de blog sur le contrôle de légalité). J’étais ce soir-là le seul ou presque à avoir des questions, à émettre des objections, à demander des précisions, à étayer un point de vue autre que celui de la majorité… (voir billet de blog sur les raisons de mon vote)

Une fois le débat au conseil territorial passé, les raisons généralement mises en avant par les élus pour changer de statut (le prix de l’essence par exemple) ont été reléguées au second plan et remplacées par de nouvelles, ce qui montre que le débat en conseil avait permis de poser de bonnes questions. Et c’est suite à la publication de mon explication de vote sur mon blog et dans la presse que d’autres élus se sont sentis obligés d’expliquer eux aussi publiquement les motivations de leur vote, explications qu’ils n’avaient pas jugé bon donner préalablement.

Deux arguments phares ont été avancés pour justifier la sortie du statut de RUP :

1 – la population l’avait voulue en 2007. (Cf supra)

2 – «on a souhaité l’autonomie, il faut aller jusqu’au bout».

L’idée de ce dernier argument est que si le statut de COM permet de déroger au droit commun dans certains domaines de compétences, ce n’est pas pour devoir rentrer dans le droit commun des règles européennes. Certes. Mais encore faudrait-il que dans les domaines dans lesquels nous sommes compétents, nous ayions fait le choix de normes différentes des normes nationales, ce qui n’est pas le cas. Pourquoi alors vouloir déroger aux normes européennes si on n’utilise pas notre compétence bien réelle de pouvoir déroger aux règles nationales ?

L’un des domaines visés par ces transferts de compétence est l’environnement. Sur ce point, M.le Préfet, dans l’interview qu’il a accordée au Journal de Saint-Barth dans son édition du 23 septembre 2010, indique que «la collectivité, forte de la compétence transférée, a cru pouvoir s’affranchir de certaines normes. Ce n’est pas le cas. Même adaptable, le code local doit répondre aux exigences européennes. Sur ce point je vais même aller plus loin : le statut de Ptom demandé par Saint-Barth ne lui permettra pas de prendre des dispositions trop éloignées de ces exigences. En matière d’environnement, l’Etat ne souhaite pas que l’on s’éloigne trop du carcan européen.». On ne saurait être plus clair. Mais du même coup, c’est une des motivations principales de la sortie du statut de RUP qui prend un sérieux coup de plomb dans l’aile.

La population n’a pas été réellement consultée, et passer de RUP en PTOM ne nous permettra pas de déroger sensiblement du droit commun. Quelle raison valable nous reste-t-il pour demander un changement de statut, en urgence ?

Ma proposition aujourd’hui est la même que lorsque nous en avanons débattu au conseil territorial : que l’on consulte la population, après avoir pris le temps d’en débattre avec elle.
Elle seule est capable de juger sur ce point de l’utilité ou non et, si oui, de l’urgence ou non à changer de statut.

Puisque les élus sont si convaincus que c’est le souhait manifesté par la population en juillet 2007, ils ne courrent alors aucun risque à leur demander explicitement leur avis, et, un vote massivement favorable étant attendu, cela donnerait un poids indéniable à la demande en cours.
J’allais oublier un point surprenant : dans sa lettre au conseil européen, Nicolas Sarkozy appuie sur la corde sensible des fonds européens pour montrer la bonne volonté de la France en ce domaine : «Il convient enfin de noter que la France ne demandera pas le bénéfice du Fonds européen de développement pour l’île de Saint-Barthélemy devenu PTOM au titre de la programmation 2007-2013.»
Et pourtant la réalité est tout autre, comme le rappelle M.le préfet dans le journal de Saint-Barth du 23 septembre : «Sur le plan de la programmation opérationnelle 2007-2013, Saint-Barth s’est en effet vue doter d’une enveloppe de 3,8 millions d’euros de fonds FEDER. 1,6 millions d’euros déjà bénéficié au financement de la réfection du quai du Bord de mer. Un dossier d’1,3 millions d’euros est en cours d’instruction pour la construction du quai de la Collectivité.»