L’application de l’Etat de droit à Saint-Barthélemy
Le 24 août, j’ai écouté avec attention l’allocution de M. le préfet Jacques Simonnet. J’ai été surpris lorsque il a expliqué que l’Etat de droit était on ne peut plus respecté à Saint-Barthélemy.
Il a notamment précisé que contrairement aux propos de certains, la population avait pu débattre et s’exprimer sur le changement du statut européen de Saint-Barthélemy, de région ultra-périphérique (RUP) vers un pays et territoire d’Outre-Mer (PTOM).
Ce constat sur la bonne application de l’Etat de droit m’a d’autant plus étonné que sur trois sujets au moins l’Etat n’a pas fait respecter le droit comme il l’aurait dû :
1 – sur la question européenne, la demande adressée au ministère de l’Outre-Mer n’était pas légale.
En effet, le conseil territorial était réuni pour débattre de l’intérêt ou non de changer de statut au niveau européen. L’ordre du jour ne faisait pas mention d’une demande officielle en vue du prochain Conseil Interministériel de l’Outre-Mer. Ce non respect de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet de contrôle de la part des services de l’Etat.
Par ailleurs, et cela est le plus important, la population de Saint-Barthélemy n’a jamais été consultée sur cette sortie de l’Europe, comme on l’affirme trop souvent de manière un peu trop rapide, ou comme pour évacuer le manque de légitimité de la décision des élus.
2 – la pétition adressée par les associations d’environnement en faveur du maintien en zone naturelle de certains espaces sujets à déclassement dans le projet de nouvelle carte d’urbanisme n’a pas été sanctionnée par le contrôle de légalité.
Cette pétition, signée par plus de 15 % des électeurs (donc nettement au-delà du seuil de 10% prévu par la loi organique), devait être soumise au conseil territorial qui devait en débattre et décider ou non de l’intérêt d’organiser une consultation populaire. Or cette pétition n’a jamais été présentée au conseil territorial, ce qui est illégal, et le conseil exécutif, qui n’a pas compétence en la matière, a décidé que la pétition n’était pas recevable puisque la collectivité partageait les mêmes objectifs que les pétitionnaires !
Ce faisant, on a privé les citoyens d’un débat public en bonne et due forme à 19 élus, au profit d’une décision prise par le conseil exécutif, à l’unanimité. Autrement dit, le conseil exécutif a refusé au conseil territorial le droit de débattre d’un sujet pour lequel il avait obligation de débattre.
Une telle infraction à la loi organique aurait dû faire l’objet d’une sanction de la décision du conseil exécutif par le contrôle de légalité. Cela n’a pas été le cas, alors même que les associations à l’origine de la pétition avaient adressé un courrier en ce sens au préfet, dans les temps impartis, et ont été en contact avec les services concernés. Ce n’est donc pas un oubli de la part des services de l’Etat.
3 – les compte-rendus de réunion du conseil territorial sont toujours quasi inexistants.
Seuls quelques compte-rendus des réunions du conseil territorial ont été distribués aux élus – plus d’un an après les débats – et rendus publics, alors que la loi organique précise que les élus doivent valider avant chaque début de séance le compte-rendu de la séance précédente. Or comment voulez-vous, en toute objectivité, valider un compte-rendu effectué plusieurs mois après le débat ?
Monter au créneau pour avoir ces compte-rendu ce n’est pas un excès de zèle de ma part. C’est la seule trace légale pour expliquer après coup le sens de nos décisions, pour garder une trace des points qui ont fait débat ou non, des prises de position des uns et des autres.
Sur cette question, après avoir demandé la réalisation des compte-rendus à plusieurs reprises, et en vain, j’avais adressé un courrier à M. le préfet Dominique Lacroix, qui m’avait répondu qu’il avait rappelé le président de la collectivité à ses devoirs sur ce point. Force est de constater que cela n’a eu aucun impact, ou si peu…
Deux autres aspects de notre fonctionnement mériteraient que l’Etat s’y intéresse :
– la faible fréquence de réunion du conseil territorial. Par exemple, on se réunit le 15 octobre, soit quatre mois après la dernière réunion. Or la loi prévoit un minimum d’une réunion par trimestre, ce qui vu l’importance de notre collectivité est déjà peu. La conséquence concrète est qu’on se retrouve à chaque réunion avec beaucoup trop de points à l’ordre du jour pour en débattre dans de bonnes conditions.
– le non-remplacement de Patrick Kawamura, suite à sa démission du conseil exécutif. Sur le plan juridique, il serait intéressant que l’on sache définitivement si oui ou non le conseil exécutif doit être impérativement composé de sept membres, et quelle est la validité juridique des actes pris par un conseil exécutif incomplet.
Voilà quelques sujets, et il y en a probablement d’autres, dans lequels l’Etat n’a pas réellement effectué son contrôle de légalité. Dans une interview au Journal de Saint-Barth parue le 23 septembre, M.le Préfet annonce que le contrôle de légalité va être renforcé, que le nombre des actes contrôlés sera augmenté, confirmant a contrario qu’ils ne l’étaient pas systématiquement.
J’espère donc que dorénavant, sur le plan du fonctionnement du conseil, nous aurons des conseils territoriaux plus fréquents, et des compte-rendus en temps et en heure.