Laissons à l’Etat la compétence environnementale

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Suite à la proposition de loi du sénateur de Saint-Martin, Louis-Constant Fleming visant à demander pour la Collectivité de Saint-Martin la compétence environnement, Cap21 Outre-Mer a publié une tribune visant à dénoncer en quoi ce serait une erreur.

Le Pélican - 24 novembre 2011
St Martin Week - 23 novembre 2011

Et voici le texte :

Laissons à l’Etat la compétence environnement


Le sénateur de Saint-Martin, Louis-Constant Fleming, a déposé le 3 novembre dernier une proposition de loi visant notamment à demander la dévolution de la compétence environnement à la collectivité de Saint Martin. J’estime que c’est une erreur.

La motivation avancée pour cette demande est la « logique » qu’il y aurait à avoir cette compétence en même temps que celles qui nous serons dévolues automatiquement après les élections territoriales de mars prochain : urbanisme, construction, habitation, logement et énergie. Selon le sénateur, la protection de l’environnement ne peut être envisagée indépendamment des dispositions qui seront prises dans ces domaines de compétence. C’est une manière de voir les choses…

Il est vrai que les règles en matière d’urbanisme ou d’énergie doivent respecter des règles visant à protéger l’environnement : préservation des espèces protégées et des espaces naturels, réalisation d’enquêtes publiques, règles en matière de bruit, de qualité des eaux, autorisations de défrichement, règlementation en matière d’implantation de sites industriels, etc.…

Mais rien n’empêche la collectivité, même privée de la compétence environnement, d’édicter des règles d’urbanisme qui soient plus protectrices de l’environnement que les lois nationales !

Si le sénateur de Saint Martin souhaite obtenir la compétence environnement, c’est donc bien parce que l’environnement risque de freiner le libre exercice des nouvelles compétences par la collectivité, et on voit poindre un risque de nivellement par le bas du cadre des règles sur lesquelles les élus envisagent d’exercer cette compétence supplémentaire.

Si on desserre la contrainte environnementale, sur quelles règles se fondera-t-on pour éviter le mitage et l’urbanisation à terme de tout le territoire au détriment du cadre de vie de la population toute entière ? pour préserver des espaces dédiés à l’agriculture et à l’élevage ? pour garantir la pérennité des actions menées par la réserve naturelle depuis près de 15 ans ? pour obliger le traitement correct des eaux usées ? pour préserver la qualité des étangs et des eaux de baignade ? pour éviter l’installation anarchique de sites industriels, d’éoliennes ou de fermes solaires ?
La préservation du cadre de vie et de l’environnement est un atout majeur pour Saint-Martin et son économie touristique. Ne réclamons pas une tronçonneuse pour couper la branche sur laquelle nous sommes assis.

Qui nous garantit que les hommes et femmes qui seront élus en mars prochain et ceux qui suivront dans les mandats ultérieurs auront la volonté, les moyens financiers, et la technicité requis et seront mieux à même que les services de l’Etat de garantir la prise en compte des enjeux environnementaux ? Jusqu’à présent, nous ne croulons pas sous les propositions ou les bilans des uns et des autres en matière d’environnement, de développement durable, bien au contraire. Jusqu’ici, les investissements et projets en matière d’énergies renouvelables se sont faits de manière opportuniste, sans réflexion ni concertation avec les conseils de quartiers et le CESCE. Et le fait que le législateur ait prévu que le CESCE soit compétent pour se saisir de questions environnementales, ou bien que le Conseil Exécutif doivent présenter chaque année un document sur le développement durable de Saint-Martin ne sont en aucun cas des garde-fous suffisants, en tout cas beaucoup moins que l’action des services de l’Etat.

Commençons par exercer convenablement les compétences que nous avons déjà (fiscalité, transports, tourisme, voirie,…) ou que nous allons prochainement devoir exercer (urbanisme, énergie, habitat, logement, construction) avant d’en demander plus, au risque de nous discréditer  et de provoquer de véritables catastrophes écologiques ou sanitaires. Nous avons déjà suffisamment de pain sur la planche.

Regardons par curiosité ce qui se passe à Saint-Barthélemy, où la collectivité a la compétence environnement et protection des espaces boisés depuis 2007, ainsi que la compétence urbanisme. Le code de l’environnement national a été abrogé et un code de l’environnement local adopté, qui ressemble fortement au code national, à la grande différence près que les enquêtes publiques y ont été supprimées. La rédaction d’un plan d’aménagement et de développement durable a été conservée, à ma demande, et il devait légalement être terminé pour l’été 2011. Il n’a toujours pas vu le début d’un commencement de réflexion et va bientôt être reporté aux calendes grecques. Enfin, sur le plan de la carte d’urbanisme, si les enjeux environnementaux ont été pris en compte, c’est aussi sous la pression citoyenne et des associations d’environnement locales.

Pour terminer, j’ajouterais que sur un sujet d’une telle importance, et pour lui donner toutes ses chances de succès, le bon sens voudrait que le sénateur défende sa proposition de loi avec le soutien de son Conseil Territorial et du CESCE, et non pas sans les avoir même consultés. En donnant ainsi l’impression d’agir seul, le sénateur rend d’autant plus difficile la défense de sa proposition d’obtenir la compétence environnement, dont je souhaite, pour l’intérêt à long terme de Saint-Martin, qu’elle ne sera pas acceptée par ses pairs de la haute assemblée.

Benoit Chauvin

Cap21 Outre-Mer

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