Extension de la centrale EDF de Saint-Barth : étude d’impact

EDF Saint-Barth
Centrale EDF de Public, Saint-Barthélemy

Voici ci-dessous le point de vue que j’ai développé en conseil territorial concernant l’extension de la centrale EDF de Public. Mon propos a été un peu long et technique, mais il m’a paru indispensable de synthétiser l’étude d’impact pour en relayer les informations principales.

Point positif : le Président de la collectivité a accepté ma proposition d’équiper les moteurs aggreko d’un mur pour protéger les riverains du bruit (au lieu de financer l’isolation de leurs fenêtres).

Par ailleurs, l’étude d’impact au complet sera mise à disposition du public, pour information. Ne manquez pas cette occasion de la consulter et de visualiser les cartes de dispersion des rejets.

On a deux choses à débattre : le dossier d’étude d’impact et la procédure d’information du public.

Etude d’impact :

On nous présente une étude d’impact en bonne et due forme, où tout va bien dans le meilleur des mondes. A lire le résumé de l’étude, on a envie de l’accepter les yeux fermés… c’est pourquoi je suis allé consulter le dossier complet pour confirmer cette première impression (combien l’on fait ?). Voilà ce que j’y ai trouvé :

les nouveaux moteurs seront bien meilleurs que les précédents, ils consommeront moins (en réalité de 10% seulement, donc le superlatif est tout relatif). Mais c’est toujours ça
de pris sur la quantité de co2 émis.
En plus ils émettront moins de particules fines au m3 d’air expiré, moins de Nox, mais plus de SO2.

le bâtiment respectera la réglementation HQE
Ca fait toujours bien de verdir un peu un tel dossier, surtout pour la présentation aux élus. EDF mentionne la plantation d’essences locales afin d’intégrer au mieux la centrale dans son
environnement. Franchement, vu l’environnement actuel de la centrale cela fait un peu osé de parler d’objectif d’intégration paysagère.
C’est bien dans l’idée, mais ce que j’attends d’abord pour l’extension de la centrale, c’est de diminuer le bruit et les de moins polluer.

la partie nuisances sonores.
EDF mentionne que l’émergence sera limitée à 3dB pour chacun des points qui a fait l’objet d’une mesure préalable, soit en limite de parcelle et en zone d’émergence. Les nouveaux moteurs n’auront pas une émergence de plus de 3db. Heureusement !
Cela ne pouvait pas en être autrement. Voici pourquoi :
le calcul de l’émergence s’est fait moteurs existants allumés, puisqu’il n’est pas possible d’éteindre les moteurs et de priver tout le monde d’électricité juste pour mesurer le bruit ambiant. Du coup, en doublant la puissance des moteurs, et en les allumant tous, on ne peut pas faire mieux que doubler la puissance sonore émise. Ce qui correspond très précisément à 3dB.

Par ailleurs, le seuil maximal en limite de propriété 70dB le jour et 60dB la nuit n’est pas respecté aujourd’hui, comment le sera-t-il demain ?
A la rigueur, on peut accepter que les moteurs fassent du bruit, mais ce que je demande aujourd’hui c’est qu’on prenne au moins des mesures rapidement pour atténuer le bruit des aggrekos actuels, et donc les nuisances pour les voisins, pour ceux qui vont à la plage, ou pour ceux qui viennent veiller leur défunt à la morgue toute proche. Tout cela n’est que provisoire, mais le provisoire peut durer longtemps.

les rejets atmosphériques
C’est ce qui m’inquiète le plus. On apprend qu’ils sont dispersés vers la mer. Ce que confirmeront tous les propriétaires de bateaux mouillés dans la rade de public.

Le rapport montre qu’aucun effet sur la santé des personnes exposées n’est possible, si ce n’est pour le cas du SO2, sur une surface limitée, pendant un nombre de jours limité, et encore en prennant les VTR (valeurs toxiques de référence) les plus défavorables, ou le cas du NO2, pendant une soixantaine d’heures dans l’année, à Public, Colombier ou à Flamands. Nous voilà rassurés !

Mais en y regardant de plus près, on observe :
– que ces résultats ne concernent que les risques d’exposition aigüe, dont la valeur d’exposition est fixée à 200ug/m3 pour 1h d’exposition. Or pour les expositions chroniques, la plage de public, le port et la baie de Public sont très touchés.
– que l’on ne parle pas des risques d’exposition chronique, dont le seuil est fixé à 40ug/m3. Et encore cette valeur ne considère que des cas où il y a des effets établis, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait aucun effet sur la santé pour un niveau plus faible. Les effets possibles sont des risques accrus d’asthme, pour les enfants et personnes fragiles, et des effets cancérigènes à long terme.
J’aimerais bien savoir quelle est la zone d’impact de ce niveau de concentration de 40ug/m3 et le nombre de jours d’exposition sur l’année.
N’oublions pas que des gens travaillent toute la journée sur le port, au club de voile, que ce dernier reçoit tous les élèves de l’île et que la plage est très fréquentée.

– que pour couronner le tout, cette étude ne modélise que les émission des nouvelles cheminées, et non pas les plus anciennes. Si on augmente la puissance offerte, il va falloir
cumuler tout cela. L’intérêt au moins de cette étude d’impact est de nous fournir des renseignements sur la situation actuelle, qui ne peut être que pire que celle décrite pour les nouveaux moteurs.

Pour nous rassurer, EDF nous dit que tout ira beaucoup mieux car les cheminées seront plus hautes, favorisant ainsi la dispersion. Certes, elles seront plus hautes de 6m, soit la hauteur de celle de l’usine d’incinération, mais la vitesse d’éjection sera réduite, de 37m/s à 30m/s. Ce qu’on gagne en dispersion d’un côté on le reperd de l’autre…. !

Je renouvelle donc ma demande déjà formulée en conseil territorial d’imposer un mécanisme de traitement des fumées en sortie. On nous dit que cela est consommateur d’eau, j’attends toujours qu’on me fournisse des chiffres pour me faire une idée.

Je demande aussi à ce qu’on effectue un suivi permanent des Nox sur la plage, le port, pour mettre en place un système d’information des usagers de ces espaces publics. Et qu’on mette un panneau aux entrées de la plage pour indiquer que le lieu est soumis à retombées de particules fines et à des concentrations élevées en oxydes d’azote. Il faudra aussi réfléchir à déménager le club de voile !

Sur la partie motivation du projet

EDF argumente avec la hausse croissante de la puissance de pointe demandée, qui semble observer une croissance linéaire d’année en année. Certes.

Mais le graphique qu’on nous présente est trompeur :
– il couvre la période 2000-2007, où on a observé une croissance régulière de la consommation. Depuis, une certaine prise de conscience de la nécessité de maîtriser notre consommation a commencé à entrer dans les moeurs. Tant est si bien qu’entre 2006 et 2009 (dernière date dispo sur l’IEDOM), la consommation totale sur l’année est passée de 90,6 Gwh à 90,9 Gwh. Qui plus est, le passage du réseau MT de 12500 à 20000 V en 2011 va contribuer à diminuer les pertes en ligne. Et il reste de nombreuses niches d’économies d’énergie réalisables, à commencer par les bâtiments publics.

Donc autant je suis favorable à remplacer des moteurs à bout de souffle par des moteurs plus performants et moins polluants, autant je suis réticent à augmenter considérablement la puissance totale installée, et donc la quantité de polluants totale émise. Tout cela a un coût sur le plan de la santé.

Sur la procédure d’information au public :

Je considère que dans un souci de transparence il est indispensable de proposer d’informer le public sur le projet d’extension. Ne pas le faire laisserait entendre qu’on a des infos à cacher.

C’est important aussi que la population prenne conscience que de consommer de l’électricité à une extrémité de l’île a un impact sur ceux qui habitent près de la zone industrielle. Cette
information au public s’adresse donc à tout le monde, même si je ne me fais guère d’illusion sur le fait qu’elle intéressera en tout premier lieu le public de Public.