Concassage du verre : une fausse bonne idée ?

Les îles du Nord s’engagent vers le concassage du verre en sable et gravier, au lieu de le recycler en verre…

A première vue, l’idée semble excellente : au lieu de renvoyer le verre en métropole (à Bordeaux) pour en faire de nouveau du verre, les verres collectés via le tri sélectif seront concassés sur place, à St-Martin, pour en faire du gavier et du sable réutilisable en sous-couche routière, en filtration pour piscines,…

Ainsi, on privilégie les filières courtes, on limite le coût du transport et on crée de la matière première au niveau local.

A Cap21-Antilles, nous approuvons déjà le fait que le traitement local permette de rapprocher le pollueur du recyclage, ce qui devrait faire prendre conscience de l’intérêt de recycler le verre. En même temps, si cette solution ne tient pas toutes ses promesses, on court le risque de démotiver les gens dans leur collecte sélective… et de se retrouver avec davantage de verres à trier dans les filières non sélectives.

Portons une grande attention à la réalité des avantages mis en avant de la nouvelle méthode par EcoRecyclage, leur solution étant davantage prise sous la contrainte économique que par pur intérêt environnemental pour nos îles. En effet, elle intervient à un moment où EcoRecyclage baisse les reversements qu’elle effectue aux collectivités pour la collecte du verre, baisse de reversement liée surtout au fait que la collecte de verre fonctionne si bien qu’on sature l’offre de verre recyclé !

Les impacts environnementaux sont très limités :

– le coût du transport est évité, mais en termes d’émission de GES, le gain produit est faible, la plupart des bateaux partant vers la métropole étant davantage vides que dans l’autre sens. Ils devront donc consommer de facto le gasoil pour le voyage retour.

– les débouchés sont probablement très limités. La qualité de ce sable ne semble pas en faire un matériau utilisable en maconnerie. Si on prend le seul exemple de Saint-Barthélemy, pour lequel nous disposons de données dans le rapport de l’IEDOM de 2003, on observe que l’ile importe 45000 tonnes par an de sable et 30000 tonnes de graviers. Ici, 800 tonnes de verre sont collectées chaque année, ce qui broyés produit 800 tonnes (mettons) de broyats, soit environ 1% des importations. Ce taux semble donc a priori « digérable » par la filière : mais quel poids représente-t-il réellement si on le rapporte aux seules consommations en sous-couche routière ? Et est-ce que les collectivités des Iles du Nord vont s’engager dans leur cahier des charges à s’approvisionner en gravas recyclés ? Est-ce que les entreprises du BTP opteront pour un tel produit si l’écart de prix n’est pas suffisant en sa faveur ?

Cette solution technique est donc envisageable, mais à notre avis elle comporte de fortes incertitudes et, même si cela coûte financièrement davantage aux collectivités, il reste peut être préférable de recycler le verre dans des filières classiques verre-verre, où le bilan énergétique sera meilleur, que de se retrouver dans quelques années avec des montagnes de graviers dont on ne saura que faire. Pour limiter les coûts de transport, on peut envisager comme alternative à long terme la création d’une entreprises de recyclage verre-verre dans les Antilles, qui pourrait également être utilisée par les îles de la Caraïbe.

En tout cas, un tel choix mérite amplement un débat public au sein de chacune des communes concernées, débat auquel nous apporterons volontiers notre contribution.